La principale originalité du
multimédia résidera donc dans le couplage de
la narration et de l'interactivité computationnelle
qui offre la possibilité d'intervenir directement
dans le déroulement du récit. La lecture
pourra emprunter divers parcours selon les prescriptions
d'accès aux différents fichiers textes, images
et sons préalablement gravés sur le
cédérom. Plusieurs chercheurs ont
proposé des modèles de navigation selon des
niveaux de fluidité variables. D'après Georges
Zénatti (1995 : 65-66) par
exemple, l'interactivité peut s'inscrire selon quatre
types d'interface : linéaire (chaque
écran est relié de façon unique
à celui qui le précède), en
arborescence (un écran principal donne accès
à des écrans secondaires puis à ses
ramifications), non-linéaire (à partir de
chaque écran l'utilisateur peut atteindre tous les
autres écrans), composite (certaines suites
d'écrans sont linéaires et d'autres non
linéaires). À chacun de ces modèles
correspondent des fonctions propres selon le degré de
difficulté envisagé et le genre d'application
multimédia. En allant du plus simple au plus
compliqué, on peut dire qu'à la consultation
des banques de données correspond le modèle
linéaire alors que les jeux les plus
sophistiqués, comme Myst et Riven par
exemple 1, feront appel à un
alliage de configurations complexes du type arborescence et
composite dans leur logique de résolution
d'énigmes (Vandendorpe :
1998). Aussi faut-il que fonctionnalité, aisance
ergonomique et attrait esthétique s'allient pour que
les mots, les icônes, les images et les sons
concourent aux embrayages requis. Ce sera principalement le
rôle des métaphores de navigation d'offrir
cette prise figurative à la narration par la
succession des écrans appelés par la dynamique
d'interpellation des raccords réticulaires.
La structure arborescente du Petit prince propose,
par exemple, six écrans principaux à partir
desquels s'organisent les trajectoires de lecture.
L'écran maître introduit aux icônes qui
représentent les diverses planètes de
l'univers diégétique proposé. Leur
exploration se conclut sur l'icône de Saturne qui sert
de passerelle hypertextuelle vers les fenêtres du
Livre où est reproduit intégralement le texte
d'origine. Le conte est accompagné des illustrations
de l'auteur auxquelles se sont ajoutées d'autres
images de même facture, comme c'est le cas de
l'Oiseau-livre qui précède chacun des
chapitres et qui a la faculté d'animer
différentes scènes du récit. L'usager
adopte alors une posture spectatoriale contemplative pendant
le déroulement de certaines séquences alors
que d'autres invitent explicitement à une lecture
interactive de type ludique. L'activation de certaines
surfaces iconiques introduit au jeu qui consiste à
apprivoiser le renard, personnage central de l'oeuvre de
Saint Exupéry. La résolution de cette
quête, qui demande passablement de patience (du moins
pour un adulte !), mène à l'ouverture
d'un Carnet secret, genre de journal intime qui personnalise
le rapport à la lecture et invite à
l'écriture. On peut aussi revenir à la table
des matières en activant l'icône de
l'étoile jaune qui se trouve au bas de chacune des
pages de droite, ou encore choisir de revenir à la
fenêtre de l'univers en activant le bouton de la
planète au bas des pages de gauche. Cette
dernière intervention donne accès, via la
planète terre, à une série
d'informations sur le contexte de la production de l'oeuvre
qui apparentent le cédérom à une
édition critique.
______________
1. Ces deux jeux qui se sont
rapidement haussés au rang de classiques du genre
sont l'oeuvre de Rick Barba et Rusel DeMaria. Ils ont
été publié chez Boderbund Software
respectivement en 1995 et 1997. Voir http://www.riven.com, le site web de Riven.
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